LE CAP D’AGDE

Femme navigatrice, quelques couleuvres à avaler !

Architecte de métier, toute jeune retraitée, Brigitte est aussi une grande navigatrice depuis son adolescence. Elle en garde un souvenir physique, un genou très abimé qui lui immobilise une jambe. Ce n’est ni la gêne, ni la souffrance qui vont l’arrêter. Elle continue à naviguer.

Brigitte « navigue » désormais entre sa maison de Bourgogne et son voilier. Il est amarré au port du Cap d’Agde où a lieu la rencontre. Elle profite des beaux jours pour procéder à une halte de maintenance du bateau. Il est immobilisé à la zone technique. Le temps est beau, la mer est calme, la brise légère, seuls les disqueuses, ponceuses, nettoyeurs à haute pression hurlent au vent de cet après-midi de Juillet. Sale temps pour une interview qui devait être en vidéo, faire du son est impossible. Elle se fera avec le traditionnel carnet de notes. Nous nous installons confortablement à bord, sous le bimini, abri en toile.

Brigitte a une voix claire, mélodieuse, agréable, sans accent particulier. Ses mots sont nets, précis. Emplie d’humanisme, elle n’en est pas moins décidée. Elle est rassurante. Elle inspire confiance. Bien qu’aimant aussi la navigation en solitaire, ce n’est sûrement pas un hasard si elle a beaucoup navigué aussi en équipage.

Avant de répondre aux questions posées, elle réfléchit un court instant. Elle n’est pas du genre à dire n’importe quoi.

Brigitte devant son bateau au Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

La précision, l’exactitude ont un sens. Ensuite, les phrases s’enchaînent dans un glissement agréable, comme un voilier qui vogue sur l’eau par bon temps et petite brise, elle vous emmène dans son histoire. L’embarquement est immédiat.

bricolage-01

Rincage du bateau et rangement du tuyau – Photo © JJF 2018

Désir d'adolescence

Sa passion remonte à l’adolescence, elle a alors 13 ans. « Je m’embête beaucoup au collège » confesse-t-elle. Elle a l’occasion de faire de l’aviron dans un club sur un lac. « Et là, en fait, je tombe amoureuse de la voile. Chose extraordinaire, ma mère m’y autorise ». L’autorisation est assortie de la condition que Brigitte fasse comme les garçons et devienne une barreuse. « Ma mère, décide que ce qui est possible pour les garçons est aussi possible pour sa fille ».

 

Brigitte à la barre de son voilier, au large du Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

Le moment est par hasard bien choisi. La Fédération Française de Voile (FFV) est en effet, à la recherche de jeunes sportives. Elles doivent représenter le club et la fédération régionale de voiles et s’engager à faire le plus possible de régates.

Éblouissement et colère

Brigitte est une fille qui veut faire de la voile, mais pas seulement des régates en dériveur. Elle veut vite progresser. Elle veut faire de l’habitable et des courses. Pour y parvenir, elle doit être acceptée par ces « Messieurs du milieu de la voile ». Ce n’est pas une mince affaire. « A l’époque », explique calmement Brigitte, « à Cherbourg, certains considèrent qu’une fille sur un bateau cela porte malheur et qu’elle n’a pas à toucher la barre ou les écoutes (NDLR : cordage de réglage des voiles) mais qu’elles sont là pour leurs plaisirs ». Elle avoue se bagarrer un certain temps pour s’imposer. « Les souvenirs particuliers que j’ai de cette période-là, ils se partagent entre l’éblouissement du bonheur d’être sur l’eau, d’apprendre à naviguer et la colère que je ne peux pas exprimer, du milieu macho dans lequel je suis obligé d’évoluer pour accéder au plaisir d’être sur l’eau ».

« Pousse toi de là, ce n’est pas à une fille de tenir la barre »

Brigitte a de nombreux récits sur le sujet. Elle parle « d’anecdotes ». « Un jour », dit-elle, « on part pour les championnats de France en sud Bretagne.  Un ami du skipper arrive à bord pour nous aider à convoyer le bateau.

Dès la première sortie en mer, alors que je tiens la barre, il me dit « pousse toi de là, ce n’est pas à une fille de tenir la barre, tu as beaucoup mieux à faire : tu peux me masser les épaules ».

Voilà, j’ai affaire à ce genre de réflexions et bien pires pendant quand même quelques années ».

Elle en garde quelques souvenirs, drôles, marquants, ou comme elle le dit elle-même un peu bizarre.

« L’évènement qui m’interroge le plus sur ce que je fais là, dans ce milieu masculin dans lequel j‘évolue, est l’exigence qu’un skippeur formule pour m’emmener en régates. Il faut que j’apprenne à faire pipi dans une bouteille. Ça c’est le souvenir le plus drôle. Pendant des années, je peux me vanter de savoir pisser dans une bouteille » dit-elle en riant.

Tous les souvenirs ne sont pas aussi amusants.

D’une voie posée et assurée, très concentrée, Brigitte resitue le contexte dont elle souhaite parler. Son visage marque la gravité de l’évènement. Après une profonde respiration, elle se lance.

 « C’est lors d’un retour de convoyage en mer du Nord. On revient de Norvège. Je suis à bord avec le propriétaire/skippeur. On est que deux.

Lui est extrêmement angoissé et flippé. Alors qu’on est au près[i], qu’on dérape un maximum, il me demande d’aller relever la dérive, je refuse[ii], et de changer la voile d’avant. A l’époque on n’a pas encore d’enrouleur (de voile d’avant). Les conditions (de navigation) sont très, très, dures et quand je me trouve au pied du mât, avec le foc enroulé dans mes bras, j’ai une crise de panique. C’est à tel point que je me fait pipi dessus. Je reste, je ne sais pas combien de temps, accrochée au pied de mât avec le bateau qui gite (penche) un max.  Et ça c’est vraiment le plus mauvais souvenir de mer que j’ai. Car il y a un sentiment de solitude. Le skipper propriétaire du bateau démissionne complètement de la situation.  C’est vrai que j’ai peur ce jour-là. C’est ma plus grande peur ».

Des situations compliquées en mer, Brigitte en connait quelques-unes mais c’est la seule fois où la peur l’envahie. « J’ai toujours le sentiment que les gens avec lesquels je suis sont en prise avec les éléments, et qu’on fait ce qu’il faut ». Cette fois, elle comprend que le propriétaire skippeur ne fait pas ce qu’il faut, et qu’il faut qu’elle redouble de prudence car le danger est là. Tout proche. Elle ne le dit pas, elle ne le montre pas, mais Brigitte est une femme courageuse et volontaire. « Il faut que je m’occupe (du skippeur). J’ai une crise de panique, de peur terrible, après ça s’arrange mais oui, c’est le plus mauvais souvenir de navigation que j’ai ».

[i] (NDLR : Allure du bateau. Position du bateau par rapport au vent qui vient presque en face qui a pour effet de faire déraper le bateau)

[ii] (NDLR : la dérive est une pièce qui sort de la coque dans la longueur du bateau. Elle justement a pour fonction de limiter la dérive du bateau à certaines allures dont celle au prés. La relever dans de telles conditions météo et d’allure du bateau met le navire et l’équipage en grand danger)

Un winch. En navigation s’utilise avec une manivelle pour tendre les cordages des voiles – Photo © JJF 2018

Arrive-t-il un moment où l’on se dit « plus jamais ça » ?

« Plus jamais ça, non, mais j’aimerai bien que ça ne se reproduise pas. Oui surement » poursuit Brigitte. « En mer du Nord on descend le bateau en onze jours. On se paye trois dépressions. On est même obligé de se réfugier à Den Helder (Pays-Bas) parce qu’on n’en peut plus. Les conditions de navigation sont tellement rudes que je rêve de la moquette verte de l’agence d’architecture et je me dis : pourquoi suis-je parti en octobre pour faire ce convoyage ? »

Parfois, c’est le navire qui pose problème. Elle raconte volontiers que lors d’un tour d’Ecosse, le bateau est vieux et prend l’eau. Les conditions sont aussi un peu rudes, l’équipage est mouillé 24 heures sur 24. « On n’arrive à rien, on ne peut rien conserver de sec. Là c’est pareil, on trouve que les conditions de mer sont un peu compliquées mais l’ambiance à bord, elle, est géniale. Je me dit alors, que naviguer sur des bateaux plus modernes qui prennent moins d’eau, ça doit être aussi pas mal. » dit-elle dans un grand éclat de rire.

Si, au niveau météo, elle connait parfois des conditions un peu difficiles, parfois fois même, très difficiles, elle n’a jamais eu envie d’abandonner la voile.

« C’est peut-être parce que les gens avec lesquels je vis ces expériences sont des gens en qui j’ai confiance. En voile, il faut avoir confiance dans les gens avec qui tu navigues car autrement ça peut vite devenir galère. Ce n’est même pas la peine de continuer. »

Fort Brescou à l’entrée du port du Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

La voile est-ce un sport de solitaire ?

« C’est un sport qui est à la fois individuel et en équipe quand tu fais des régates », explique Brigitte. « Pendant très longtemps, je navigue en solitaire sur une « yole OK » (NRLR : dériveur léger de 4 m d’origine danoise). Pourtant, quand tu vois quelqu’un de la flotte qui est en difficulté, et bien, tu fais attention à lui. Tu vas l’aider. Ça c’est une solidarité comme ça qui est géniale. Tu es sur ton bateau, c’est un sport individuel mais c’est également un sport d’équipe. »

Les filles anticipent beaucoup plus que les hommes

Quand on lui pose la question de savoir s’il y a une différence dans la façon de naviguer entre les filles et les garçons, Brigitte n’hésite pas une seconde. « Je pense que les filles et la voile, c’est comme les hommes et la voile. On est à notre place comme eux. Il est bien évident qu’on ne fait pas de la voile comme les hommes. On ne navigue pas comme vous parce que l’on a moins de force physique. C’est-à-dire que les manœuvres à « l’arrache », même moi qui suis très costaud, des manœuvres à « l’arrache » ce n’est pas si facile pour nous ».

De son point de vue, les filles anticipent beaucoup plus que les hommes. « Elles font plus attention à la météo. Elles réduisent la voile plus vite, plus tôt en tous les cas. Voilà la différence. Autrement, le plaisir il est le même. Cette sensation de liberté sur l’eau. Ce plaisir de composer avec le vent, la mer, le bateau. Il est identique pour les hommes et pour les femmes. Je souhaite qu’il y ait pleins, pleins de femmes qui puissent découvrir ce plaisir et pas seulement se faire balader par leurs maris et leurs amis ».

Un enseignement ?

A la question : quel est le plus bel enseignement du bateau ou de la voile ? Brigitte répond sans hésiter : « C’est une leçon de vie. C’est un truc génial pour apprendre l’autonomie et connaître ses limites.  Je pense que tous les enfants devraient faire du bateau. Ça leur permettrait d’avoir confiance en eux. De se rendre compte de ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas. »

« Moi, je pense que la voile, ça m’a sauvé la vie « .

Brigitte5-01

Femme navigatrice, quelques couleuvres à avaler !

Architecte de métier, toute jeune retraitée, Brigitte est aussi une grande navigatrice depuis son adolescence. Elle en garde un souvenir physique, un genou très abimé qui lui immobilise une jambe. Ce n’est ni la gêne, ni la souffrance qui vont l’arrêter. Elle continue à naviguer.

Brigitte « navigue » désormais entre sa maison de Bourgogne et son voilier. Il est amarré au port du Cap d’Agde où a lieu la rencontre. Elle profite des beaux jours pour procéder à une halte de maintenance du bateau. Il est immobilisé à la zone technique. Le temps est beau, la mer est calme, la brise légère, seuls les disqueuses, ponceuses, nettoyeurs à haute pression hurlent au vent de cet après-midi de Juillet. Sale temps pour une interview qui devait être en vidéo, faire du son est impossible. Elle se fera avec le traditionnel carnet de notes. Nous nous installons confortablement à bord, sous le bimini, abri en toile.

Brigitte a une voix claire, mélodieuse, agréable, sans accent particulier. Ses mots sont nets, précis. Emplie d’humanisme, elle n’en est pas moins décidée. Elle est rassurante. Elle inspire confiance. Bien qu’aimant aussi la navigation en solitaire, ce n’est sûrement pas un hasard si elle a beaucoup navigué aussi en équipage.

Avant de répondre aux questions posées, elle réfléchit un court instant. Elle n’est pas du genre à dire n’importe quoi.

Brigitte devant son bateau au Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

La précision, l’exactitude ont un sens. Ensuite, les phrases s’enchaînent dans un glissement agréable, comme un voilier qui vogue sur l’eau par bon temps et petite brise, elle vous emmène dans son histoire. L’embarquement est immédiat.

bricolage-01

Rincage du bateau et rangement du tuyau – Photo © JJF 2018

Désir d'adolescence

Sa passion remonte à l’adolescence, elle a alors 13 ans. « Je m’embête beaucoup au collège » confesse-t-elle. Elle a l’occasion de faire de l’aviron dans un club sur un lac. « Et là, en fait, je tombe amoureuse de la voile. Chose extraordinaire, ma mère m’y autorise ». L’autorisation est assortie de la condition que Brigitte fasse comme les garçons et devienne une barreuse. « Ma mère, décide que ce qui est possible pour les garçons est aussi possible pour sa fille ».

 

Brigitte à la barre de son voilier, au large du Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

Le moment est par hasard bien choisi. La Fédération Française de Voile (FFV) est en effet, à la recherche de jeunes sportives. Elles doivent représenter le club et la fédération régionale de voiles et s’engager à faire le plus possible de régates.

Éblouissement et colère

Brigitte est une fille qui veut faire de la voile, mais pas seulement des régates en dériveur. Elle veut vite progresser. Elle veut faire de l’habitable et des courses. Pour y parvenir, elle doit être acceptée par ces « Messieurs du milieu de la voile ». Ce n’est pas une mince affaire. « A l’époque », explique calmement Brigitte, « à Cherbourg, certains considèrent qu’une fille sur un bateau cela porte malheur et qu’elle n’a pas à toucher la barre ou les écoutes (NDLR : cordage de réglage des voiles) mais qu’elles sont là pour leurs plaisirs ». Elle avoue se bagarrer un certain temps pour s’imposer. « Les souvenirs particuliers que j’ai de cette période-là, ils se partagent entre l’éblouissement du bonheur d’être sur l’eau, d’apprendre à naviguer et la colère que je ne peux pas exprimer, du milieu macho dans lequel je suis obligé d’évoluer pour accéder au plaisir d’être sur l’eau ».

« Pousse toi de là, ce n’est pas à une fille de tenir la barre »

Brigitte a de nombreux récits sur le sujet. Elle parle « d’anecdotes ». « Un jour », dit-elle, « on part pour les championnats de France en sud Bretagne.  Un ami du skipper arrive à bord pour nous aider à convoyer le bateau.

Dès la première sortie en mer, alors que je tiens la barre, il me dit « pousse toi de là, ce n’est pas à une fille de tenir la barre, tu as beaucoup mieux à faire : tu peux me masser les épaules ».

Voilà, j’ai affaire à ce genre de réflexions et bien pires pendant quand même quelques années ».

Elle en garde quelques souvenirs, drôles, marquants, ou comme elle le dit elle-même un peu bizarre.

« L’évènement qui m’interroge le plus sur ce que je fais là, dans ce milieu masculin dans lequel j‘évolue, est l’exigence qu’un skippeur formule pour m’emmener en régates. Il faut que j’apprenne à faire pipi dans une bouteille. Ça c’est le souvenir le plus drôle. Pendant des années, je peux me vanter de savoir pisser dans une bouteille » dit-elle en riant.

Tous les souvenirs ne sont pas aussi amusants.

D’une voie posée et assurée, très concentrée, Brigitte resitue le contexte dont elle souhaite parler. Son visage marque la gravité de l’évènement. Après une profonde respiration, elle se lance.

 « C’est lors d’un retour de convoyage en mer du Nord. On revient de Norvège. Je suis à bord avec le propriétaire/skippeur. On est que deux.

Lui est extrêmement angoissé et flippé. Alors qu’on est au près[i], qu’on dérape un maximum, il me demande d’aller relever la dérive, je refuse[ii], et de changer la voile d’avant. A l’époque on n’a pas encore d’enrouleur (de voile d’avant). Les conditions (de navigation) sont très, très, dures et quand je me trouve au pied du mât, avec le foc enroulé dans mes bras, j’ai une crise de panique. C’est à tel point que je me fait pipi dessus. Je reste, je ne sais pas combien de temps, accrochée au pied de mât avec le bateau qui gite (penche) un max.  Et ça c’est vraiment le plus mauvais souvenir de mer que j’ai. Car il y a un sentiment de solitude. Le skipper propriétaire du bateau démissionne complètement de la situation.  C’est vrai que j’ai peur ce jour-là. C’est ma plus grande peur ».

Des situations compliquées en mer, Brigitte en connait quelques-unes mais c’est la seule fois où la peur l’envahie. « J’ai toujours le sentiment que les gens avec lesquels je suis sont en prise avec les éléments, et qu’on fait ce qu’il faut ». Cette fois, elle comprend que le propriétaire skippeur ne fait pas ce qu’il faut, et qu’il faut qu’elle redouble de prudence car le danger est là. Tout proche. Elle ne le dit pas, elle ne le montre pas, mais Brigitte est une femme courageuse et volontaire. « Il faut que je m’occupe (du skippeur). J’ai une crise de panique, de peur terrible, après ça s’arrange mais oui, c’est le plus mauvais souvenir de navigation que j’ai ».

[i] (NDLR : Allure du bateau. Position du bateau par rapport au vent qui vient presque en face qui a pour effet de faire déraper le bateau)

[ii] (NDLR : la dérive est une pièce qui sort de la coque dans la longueur du bateau. Elle justement a pour fonction de limiter la dérive du bateau à certaines allures dont celle au prés. La relever dans de telles conditions météo et d’allure du bateau met le navire et l’équipage en grand danger)

Un winch. En navigation s’utilise avec une manivelle pour tendre les cordages des voiles – Photo © JJF 2018

Arrive-t-il un moment où l’on se dit « plus jamais ça » ?

« Plus jamais ça, non, mais j’aimerai bien que ça ne se reproduise pas. Oui surement » poursuit Brigitte. « En mer du Nord on descend le bateau en onze jours. On se paye trois dépressions. On est même obligé de se réfugier à Den Helder (Pays-Bas) parce qu’on n’en peut plus. Les conditions de navigation sont tellement rudes que je rêve de la moquette verte de l’agence d’architecture et je me dis : pourquoi suis-je parti en octobre pour faire ce convoyage ? »

Parfois, c’est le navire qui pose problème. Elle raconte volontiers que lors d’un tour d’Ecosse, le bateau est vieux et prend l’eau. Les conditions sont aussi un peu rudes, l’équipage est mouillé 24 heures sur 24. « On n’arrive à rien, on ne peut rien conserver de sec. Là c’est pareil, on trouve que les conditions de mer sont un peu compliquées mais l’ambiance à bord, elle, est géniale. Je me dit alors, que naviguer sur des bateaux plus modernes qui prennent moins d’eau, ça doit être aussi pas mal. » dit-elle dans un grand éclat de rire.

Si, au niveau météo, elle connait parfois des conditions un peu difficiles, parfois fois même, très difficiles, elle n’a jamais eu envie d’abandonner la voile.

« C’est peut-être parce que les gens avec lesquels je vis ces expériences sont des gens en qui j’ai confiance. En voile, il faut avoir confiance dans les gens avec qui tu navigues car autrement ça peut vite devenir galère. Ce n’est même pas la peine de continuer. »

Fort Brescou à l’entrée du port du Cap d’Agde – Photo © JJF 2018

La voile est-ce un sport de solitaire ?

« C’est un sport qui est à la fois individuel et en équipe quand tu fais des régates », explique Brigitte. « Pendant très longtemps, je navigue en solitaire sur une « yole OK » (NRLR : dériveur léger de 4 m d’origine danoise). Pourtant, quand tu vois quelqu’un de la flotte qui est en difficulté, et bien, tu fais attention à lui. Tu vas l’aider. Ça c’est une solidarité comme ça qui est géniale. Tu es sur ton bateau, c’est un sport individuel mais c’est également un sport d’équipe. »

Les filles anticipent beaucoup plus que les hommes

Quand on lui pose la question de savoir s’il y a une différence dans la façon de naviguer entre les filles et les garçons, Brigitte n’hésite pas une seconde. « Je pense que les filles et la voile, c’est comme les hommes et la voile. On est à notre place comme eux. Il est bien évident qu’on ne fait pas de la voile comme les hommes. On ne navigue pas comme vous parce que l’on a moins de force physique. C’est-à-dire que les manœuvres à « l’arrache », même moi qui suis très costaud, des manœuvres à « l’arrache » ce n’est pas si facile pour nous ».

De son point de vue, les filles anticipent beaucoup plus que les hommes. « Elles font plus attention à la météo. Elles réduisent la voile plus vite, plus tôt en tous les cas. Voilà la différence. Autrement, le plaisir il est le même. Cette sensation de liberté sur l’eau. Ce plaisir de composer avec le vent, la mer, le bateau. Il est identique pour les hommes et pour les femmes. Je souhaite qu’il y ait pleins, pleins de femmes qui puissent découvrir ce plaisir et pas seulement se faire balader par leurs maris et leurs amis ».

Un enseignement ?

A la question : quel est le plus bel enseignement du bateau ou de la voile ? Brigitte répond sans hésiter : « C’est une leçon de vie. C’est un truc génial pour apprendre l’autonomie et connaître ses limites.  Je pense que tous les enfants devraient faire du bateau. Ça leur permettrait d’avoir confiance en eux. De se rendre compte de ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas. »

« Moi, je pense que la voile, ça m’a sauvé la vie « .

Brigitte5-01
Texte, prise de vues, montage, traitement © JJF - 2020
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